Après adoption par l’Assemblée nationale le 12 septembre, le projet de loi sera soumis à discussion au Sénat du 24 au 25 septembre. Nous faisons ici le point à partir du texte voté par les députés.
Les emplois avenir sont des contrats de droit privé, essentiellement dans le secteur non-marchand, sous la forme de CUI destinés aux jeunes de 16 à 25 ans « sans qualification, ou peu qualifiés et rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi ». Le premier débat à l’Assemblée nationale a élargi la priorité accordée à ceux résidant dans les zones urbaines sensibles (ZUS), les « zones de revitalisation rurale », les Dom-Tom et les territoires où l’accès à l’emploi est particulièrement difficile. La durée « normale » d’un emploi avenir sous forme de CDD est de 3 ans, mais de larges possibilités dérogatoires, notamment pour « faciliter le suivi d’une action de formation », permettent un CDD d’un an renouvelable jusqu’à hauteur de 36 mois (le CUI-CAE actuel prévoit un minimum de 6 mois et un maximum de 2 ans). La discussion à l’Assemblée a ouvert les emplois d’avenir aux personnes handicapées de moins de 30 ans ainsi qu’à titre exceptionnel à des niveaux de qualification supérieurs au bac. Elle a également renforcé les obligations de suivi personnalisé et le descriptif des actions de formation qui incombent à l’employeur. En cas de non-respect de ses engagements, l’employeur devra rembourser les aides perçues (75% du salaire).
Il est prévu de recruter 100 000 emplois avenir en 2013 et 50 000 autres en 2014. Dans l’éducation, les emplois avenir professeur seraient recrutés à hauteur de 6 000 par an pour les 3 prochaines années.
Les spécificités des « emplois d’avenir professeur » Le dispositif « emploi d’avenir professeur » défini par l’article 2 de la loi présente de fortes spécificités. Contrairement au dispositif général, il s’adresse à des jeunes en voie de qualification suivant des études et se destinant au métier d’enseignement. La référence à un « pré-recrutement », présente dans l’exposé des motifs de la version initiale du texte présentée fin août au Conseil supérieur de l’éducation (CSE), est remplacée par la facilitation de « l’insertion professionnelle et la promotion sociale des jeunes ». Des étudiants boursiers issus de ZUS, du rural, des Dom-Tom ou de ZEP Les bénéficiaires de ces emplois sont les seuls étudiants boursiers sur critères sociaux (33% des étudiants à l’université en 2011). Le critère territorial est ici prédominant, priorité est donnée à ceux effectuant « leurs études dans les académies ou dans les disciplines connaissant des besoins particuliers de recrutement » et qui ont « résidé pendant une durée minimale » en ZUS, en zone de revitalisation rurale ou dans les Dom-Tom ou bien qui ont « effectué pendant une durée minimale une partie de leurs études secondaires dans un établissement situé dans l’une de ces zones ou dans un établissement relevant de l’éducation prioritaire ». Ces durées minimales seront précisées ultérieurement par décret, tout comme les académies et les disciplines concernées. Une première discussion au CSE pointait les académies de Amiens, Reims, Créteil, Versailles.
Trois années possibles d’entrée, de L2 à M1 Les « emplois d’avenir professeur » concernent les étudiants de L2, L3 ou M1 avec une limite d’âge fixée à 25 ans à l’entrée dans le dispositif, pour une durée de 3 ans maximum. L’obtention d’un concours met fin à l’emploi d’avenir. Avec l’arrêt du dispositif en M1, ce texte anticipe donc un concours fixé en fin de M1. L’étude d’impact explique ce recrutement tardif selon laquelle la validation de l’année de L1 permettrait aux étudiants de « mesurer les exigences attachées à la poursuite d’études supérieures longues ». Ils seront recrutés directement par les EPLE après « avis d’une commission chargée de vérifier leur aptitude », cette commission serait académique. Cette procédure sera précisée aussi par décret qui sera soumis à discussion avec les organisations syndicales. Pour le SNUIpp-FSU, il s’agira d’obtenir toutes les garanties d’un recrutement académique transparent et équitable, sans passe-droits.
9 heures de travail hebdomadaire ? La durée de travail dans les écoles et collèges n’est pas précisée dans la loi, hormis le fait qu’elle soit inférieure à la moitié de la durée légale (35 heures). Lors de diverses réunions (CSE, rencontres avec les syndicats étudiants), il ressort que le ministère affirme que le temps réglementaire de travail n’excédera pas 12 heures. Il pourrait même se définir sur 9 heures de travail effectif. Le texte précise que cette durée hebdomadaire « peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat ». Reste à préciser dans le décret : les périodes de vacances scolaires, les périodes d’examens universitaires ou de préparation aux concours ... Cette durée pourrait toutefois intégrer du temps de préparation aux activités éducatives voire à la préparation du concours.
Quelles missions ? Le texte pose une sorte de garde-fou aux difficultés de concilier études et emploi, l’activité des emplois avenir professeur est définie comme un « appui éducatif compatible avec la poursuite des études universitaires ou la préparation aux concours ». L’étudiant bénéficie d’un tutorat au sein de l’établissement d’exercice. Lors de discussions ministérielles, de premières précisions ont été apportées oralement. Ce ne seront pas des missions de remplacement ou d’enseignement. Elles évolueraient au fil des 3 ans, d’observation de la classe à de la pratique accompagnée. Cela devra être confirmée lors des négociations une fois la loi adoptée.
L’école privée concernée également La discussion à l’Assemblée a ouvert ce dispositif aux établissements privés sous contrat. Ce recrutement sera, a priori, déduit de celui prévu initialement pour le seul public.
De 618 à 1 001 Euros par mois Les étudiants vont cumuler leur salaire financé à hauteur de 75% par le ministère du travail, la bourse sur critères sociaux déjà financée par le ministère de l’enseignement supérieur et la bourse de service public de 217 euros financée par le ministère de l’éducation nationale. En fonction de leur tranche de bourse, leurs revenus varieraient ainsi.
Nature des revenus
Echelon | 0 | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 |
Bourse Montant annuel | 0 € | 1 606 € | 2 419 € | 3 100 € | 3 779 € | 4 339 € | 4 600 € |
Bourse mensuelle / 12 mois | 0 € | 134 € | 202 € | 258 € | 315 € | 362 € | 383 € |
Salaire mensuel | 401 | 401 | 401 | 401 | 401 | 401 | 401 |
Bourse de service public | 217 € | 217 € | 217 € | 217 € | 217 € | 217 € | 217 € |
Revenu global mensuel | 618 € | 752 € | 820 € | 876 € | 933 € | 980 € | 1 001 € |
* L’échelon 0 exonère du paiement des droits universitaires dans les établissements publics et du paiement de la cotisation à la sécurité sociale étudiante.
Répartition par tranches des étudiants boursiers à l’université en 2010/2011
Echelon 0 | Echelon 1 | Echelon 2 | Echelon 3 | Echelon 4 | Echelon 5 | Echelon 6 |
21,7% | 16,9% | 9,0% | 8,9% | 8,6% | 16,3% | 18,6% |
Le coût global pour le ministère, en prenant en compte la nouvelle bourse de service public et les 25% de salaire à la charge de l’éducation nationale, est de 22,8 millions pour un temps de travail de 12 heures. En transposant la répartition des étudiants boursiers par tranches sur les 6 000 emplois avenir, le financement total est de 60,4 millions d’Euros.
Plus de 62% serait donc financé par les bourses actuelles sur critères sociaux et la prise en charge à hauteur de 75% du salaire versé par le ministère du travail. Par contre, le montant moyen mensuel, en gardant cette répartition, n’est que de 839 Euros, pas tout à fait les 900 Euros en moyenne du projet de loi.
Obligation de passer les concours Le double engagement de l’étudiant est de se présenter à un des « concours de recrutement d’enseignants » et de « poursuivre sa formation dans un établissement d’enseignement supérieur ». En cas d’échec au concours, l’étudiant « se voit néanmoins délivrer une attestation d’expérience professionnelle ».
Validation partielle pour la retraite Le minimum de salaire validant un trimestre pour la retraite du régime général est de 1844 Euros bruts pour l’année 2012. Avec un salaire brut trimestriel n’atteignant que 1465 Euros et un salaire annuel 5 860 Euros, les emplois avenir professeur ne valideront que 3 trimestres par an au régime général. Cette validation ne sera pas prise en compte pour une éventuelle retraite de la fonction publique.
Décrets d’application et négociations ultérieures L’étude de suivi prévoit un décret en Conseil d’État qui traitera en particulier sur les points suivants : • condition de la qualité de boursier (notamment l’année au titre de laquelle les candidats devront justifier être boursiers) ; • éléments de cadrage permettant au ministre chargé de l’éducation de fixer, par arrêté, les académies et les disciplines à besoins particuliers ; • autorité compétente pour accorder l’aide à la formation et à l’insertion professionnelle ; • engagement contractuel à suivre une formation initiale et à se présenter au concours ; • conditions dans lesquelles il peut être mis fin au contrat par l’une ou l’autre des parties.
Un autre décret, simple, déterminera la durée hebdomadaire de travail et la durée minimale de résidence en ZUS ou de scolarisation dans un établissement ZEP.