Avec la crise sanitaire que nous traversons, nos habitudes de travail et celles des élèves sont perturbées. Pas si simple que ça de « faire l’école à la maison », à distance pour nous enseignant•es, qui sommes pour certain•es d’entre nous, aussi parents !
1) Injonction, directives et réglementation...
Depuis jeudi soir, dans l’ambiance agitée que nous avons connue, sont tombés sur nos boîtes professionnelles, sur les téléphones personnels des Directrices et Directeurs, ordres et contre-ordres : du Ministère, du Président, du Premier Ministre, ainsi qu’au niveau local.
Chacun d’entre nous a reçu (ou non) des demandes, conseils, propositions d’aide pour mettre en place le télétravail...
N’oublions pas que celui-ci est encadré par le décret de 2016, et qu’en principe, le matériel doit être fourni par l’employeur...
L’inadaptation des outils ministériels (CNED, messagerie académique) et des ENT, qui n’ont pas été conçus pour un tel afflux d’utilisateurs, a poussé certain•es collègues, à être tentés de recourir à des outils numériques alternatifs et, le plus souvent, marchands (Discord, Facebook, WhatsApp, Google Drive etc.).
Il convient de raison garder.
La CNIL considère en effet que les données scolaires (comme les travaux des élèves) sont des données personnelles et sont, à ce titre, protégées par le RGPD (Réglement Général de Protextion des Données). Cela implique, entre autres, qu’un registre de tous les traitements de ces données soit tenu par un Délégué à la Protection des Données (DPD), responsable pénalement et devant signaler tout incident de sécurité à la CNIL. Le DPD doit aussi s’assurer que les usagers sont avertis, conformément à la loi, des traitements qui est fait des données, et de leur finalité. Autrement dit, il est fortement déconseillé de chercher des solutions de télétravail avec les élèves en dehors de celles proposées par le ministère ou les rectorats, sous peine de courir le risque de se mettre hors la loi.
De plus, parce que nos élèves sont mineurs, il faut, pour des solutions hors ENT ou dispositif ministériel (type CNED par exemple), l’autorisation des parents. Ces derniers sont en droit de refuser, en fonction de leur appréciation des conditions générales d’utilisation (dont les détails sont souvent méconnus des prescripteurs eux-mêmes).
Le SNUipp-FSU30 vous conseille donc d’être extrêmement prudents et de privilégier les solutions mises en place par le ministère. Si elles ne fonctionnent pas, ou mal, la responsabilité ne nous en incombe pas.
La FSU, lors de la visio-conférence de jeudi 19 mars, a demandé à la DSDEN de transmettre une liste d’outils numériques homologués par l’Education Nationale.
2) De quoi ont besoin les enfants, nos élèves ? Que dire aux parents ?
Ces derniers jours, dans la plupart des nos foyers, on gesticule, on est sur les téléphones, face aux écrans, on parle sans filtre : de maladie, de confinement... Les dirigeants parlent même de guerre ! Un climat anxiogène plane dans tous les logements, petits ou grands. Les enfants sont là, ils entendent, ils observent, ils absorbent les flots d’informations.
Alors, arrêtons-nous ! Soyons disponible pour les enfants.
Remettons-nous à leur hauteur.
Éteignons un moment radio et télé.
Écoutons-les. Jouons. Chantons. Dansons. Cuisinons. Créons. Rêvons.
Ennuyons-nous avec eux ! (l’ennui aussi aide à bien grandir... et sert les apprentissages)
L’essentiel, en cette curieuse période, pour nous professionnels, est la poursuite du lien école-familles (nous ne sommes pas en vacances et les modalités de travail pour chacun vont s’ajuster petit à petit)
Et gardons à l’esprit que si la période est compliquée pour tout le monde, elle l’est davantage pour une partie des élèves qui seront, à nouveau, victimes d’une inégalité d’accès aux apprentissages.
3) « Continuité pédagogique »
Les équipes pédagogiques ont et doivent garder la main ! Depuis lundi matin, les enseignants essayent tant bien que mal de mettre en place l’enseignement à distance afin d’assurer la continuité pédagogique pendant la période de confinement rendue nécessaire par l’épidémie de CoVid-19.
L’utilisation de la plateforme du CNED ou d’un ENT n’est en aucun cas obligatoire. Moyennant les précautions évoquées plus haut, chaque enseignant•e choisit librement les modalités de suivi des élèves et de lien avec les familles.
Mais avant tout, nous pensons qu’il est urgent de se poser, de réfléchir, ne pas se précipiter en répondant aux annonces du ministre ou aux pseudo-demandes de certaines familles.
Ensuite, il nous faudra créer les contenus adaptés à cet enseignement par télétravail.
Nombre d’entre nous n’étions pas formés aux outils. Nombre de nos élèves (et de leur famille) ont découvert cela le vendredi après-midi, dans l’urgence !
De plus, il est nécessaire de prendre en compte les conditions de travail de nos élèves. Equipement matériel des familles, lieux souvent inadaptés pour se concentrer, travailler sereinement, rythme de vie chamboulé et accompagnement du travail donné parfois difficile.
Nous sommes les concepteurs de notre propre pédagogie, parfaitement capables d’adapter nos exigences et nos contenus pédagogiques en fonction de nos conditions de travail et de celles de nos élèves. Certain•es d’entre nous, qui ont des enfants en âge d’être scolarisés, vivent ces jours-ci cette situation, parfois complexe à gérer : partage des outils, organisation de l’espace, du temps quotidien.
"A l’impossible, nul n’est tenu" et la précipitation, si elle pouvait se justifier par le désir de bien faire et d’accomplir sa mission d’enseignement, doit s’incliner devant la réflexion et le sens critique de chacun•e.
Il ne servirait à rien de « gaver » nos élèves de fiches de travail...
Enfin, en tant que citoyen•ne•s, souvenons-nous que la priorité absolue est de surmonter cette crise sanitaire en restant chez nous, en prenant soin de nos proches et en adoptant les gestes élémentaires de sécurité.
Lire ICI un article du SNUipp national
4) Les conseils qu’on peut donner aux parents
Maintenir des « activités scolaires » ne signifie pas forcément passer plusieurs heures par jour devant des écrans ou remplir des fiches...
Voici « une petite fiche conseil » pour les parents :
prévoir du matériel et des jeux que les enfants peuvent utiliser seuls pour s’occuper : des feuilles, des crayons de couleur, des feutres, des ciseaux pour découper, de la pâte à modeler, des jeux de construction, des livres, de la musique etc.
permettre aux enfants de se dépenser chaque jour, à domicile. En prenant soin d’éviter les regroupements, de limiter les déplacements et de leur faire se laver les mains avec du savon régulièrement.
faire des activités non-scolaires avec les enfants : choisir une recette simple sur internet ou dans un livre, la lire avec eux et la préparer (un gâteau, des crêpes... il y a plein de recettes sur internet), faire des jeux de carte ou des jeux de société, lire ensemble, jardiner, construire quelque chose, fabriquer...
préserver, au cours de la journée, des moments de repos et de calme.
Si vous le pouvez, prévoir un endroit au calme où les enfants peuvent s’installer au moment de travailler.