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"Statut des directeurs, le retour" : en pleine crise sanitaire, on prend les mêmes et on recommence !

dimanche 17 mai 2020

Compte tenu de l’épidémie que nous traversons et du passif entourant la question du « statut des directeurs » (dernière mobilisation en date l’année dernière contre la loi Blanquer) on aurait pu croire que pour le gouvernement, il y aurait d’autres priorités pour l’école que d’y envisager une nouvelle répartition des pouvoirs. Eh bien non, du moins si l’on en juge par la proposition de loi déposée mardi en vue de créer la « fonction de directeur d’école ».

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On prend les mêmes et on recommence...

Cette proposition de loi a été présentée le 12 mai 2020 par Cécile Rilhac en compagnie de 21 autres députés LREM. Elle avait déjà été à l’origine en 2018, avec la députée LR Valérie Bazin-Malgras, d’une proposition de loi visant à fusionner maternelles et élémentaires sous la coupe de directeurs supérieurs hiérarchiques rattachés au principal du collège. C’est précisément cette proposition qui avait accouché des EPSF, point central de la loi Blanquer sur lequel le ministre avait dû reculer face à la mobilisation enseignante.

Rebelote après le suicide de notre camarade Christine Renon, où la même Cécile Rilhac a tenté de ressortir les EPEP du placard. Elle attendait donc une nouvelle "fenêtre" et l’épidémie lui en donne l’occasion.

Véritable obsession ministérielle, ce projet de loi est donc sans surprise dans son contenu : sous-couvert de "l’originalité" rappelée du système français qui n’a pas de chefs d’établissement dans le 1er degré, c’est un moyen d’institutionnaliser la territorialisation de l’éducation nationale déjà bien engagée, particulièrement depuis la réforme de rythmes scolaires, ainsi que les pouvoirs croissants donnés aux recteurs-trices qui s’affranchissent bien souvent des consignes de la rue de Grenelle.

D’abord on brosse dans le sens du poil...

- Affirmation des « missions essentielles du directeur d’école »,
- « Tel un chef d’orchestre il met en musique la partition de chacun pour créer une symphonie harmonieuse où chacun peut s’épanouir. »
- « Les directeurs ne sont plus chargés des activités pédagogiques complémentaires (APC). »
- « Pour les directeurs d’écoles de plus de 8 classes, il est précisé qu’ils ne sont plus chargés de classe. »
- « Une bonification indemnitaire leur est attribuée et un avancement de carrière spécifique en favorisant une progression de carrière accélérée, en dehors des contingents réservés aux enseignants. »

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Bien sûr, on retrouve ici quelques éléments de revendications des directeurs et du SNUipp-FSU lui-même : revalorisation indiciaire pour les directeurs et espoir d’amélioration du régime des décharges. Mais quelles sont les mesures de carrière prévues ? Le diable se cache ici dans les détails, toute mesure visant à "décrocher" les carrières des directeurs des carrières des autres enseignants étant de nature à créer de facto un nouveau corps séparé des adjoints.

Vient ensuite l’objectif institutionnel

- « Le directeur est décisionnaire lors des débats qu’il organise pour assurer le bon fonctionnement de l’école sur le plan pédagogique comme sur celui de la vie de l’école »
- « Il a autorité pour prendre des décisions en lien avec ses différentes missions ainsi que sur les personnels qui sont sous sa responsabilité durant le temps scolaire, sans en être le responsable hiérarchique ». Le projet de texte précise : « il est délégataire de l’autorité académique pour le bon fonctionnement de l’école dont il a la direction ». Autrement dit, il change de camp : il devient supérieur hiérarchique.
- Une phrase à lire en lien avec le contexte actuel : « en cas de graves dysfonctionnements de son établissement ou de mise en danger des personnes, il peut prendre toutes dispositions nécessaires pour rétablir le bon fonctionnement et la sécurité des biens et des personnes »
- L’article 2 crée « un emploi fonctionnel pour les directeurs d’école. Ainsi, sans changer de corps, il est reconnu la spécificité de leurs missions et responsabilités. »
- « Une feuille de route sera donc établie au niveau national, encadrant la fonction selon les missions stipulées dans le référentiel métier publié au BO de décembre 2014. Cette feuille de route pourra, par exemple, être personnalisée par le DASEN pour tenir compte des compétences du directeur, des spécificités du poste, du projet d’école ou encore des particularités territoriales. » En clair : généralisation des postes à profil pour la direction d’école. Depuis 2019, les postes de direction d’école en REP + sont devenus des Postes à Profil (entretien puis classement). Ainsi le DASEN choisirait les directeurs ce ne serait plus le barème, seul critère objectif pour le SNUipp-FSU, qui départagerait les candidats.
- « Dans les écoles de 8 classes et plus, le directeur n’est pas chargé de classe. Il participe à l’encadrement du système éducatif et aux actions d’éducation et peut donc se voir confier d’autres fonctions concourant à l’exécution du service public d’éducation. En fonction de la feuille de route définissant l’emploi fonctionnel, il peut être chargé de missions d’enseignement [des directeurs joueraient donc le rôle de "moyen sup" que le gouvernement a supprimés par ailleurs avec la fin des PDMQDC], d’accompagnement [viserait on ici a remplacer les CPC ?], de formation [prise en charge de la "formation continue" des adjoints par les directeurs ?] ou de coordination, lorsque sa mission de direction n’est pas à temps plein." [...] (pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL), réseaux d’éducation prioritaire (REP), Réseau d’éducation prioritaire renforcé (Rep renforcé), regroupement pédagogique intercommunal (RPI)). »

Enfin, quelques vœux pieux

- Pour l’aide à la direction : il est proposé aux « communes ou communautés de communes ayant la compétence scolaire de mettre à disposition du directeur d’école une aide de conciergerie ou une aide administrative, en fonction des besoins exprimés par le conseil d’école. ». L’état se décharge encore une fois sur les collectivités territoriales sans aucune garantie d’uniformité.
- L’allègement des tâches : lors des élections des représentants des parents d’élèves, « les représentants d’une liste unique [seront] élus directement sans organisation ni matérielle ni par correspondance des élections. »
- L’allègement des responsabilités : « le PPMS ne doit pas être supprimé mais pris en charge par des personnels compétents en matière de sécurité. L’écriture du PPMS et la lourdeur administrative qui l’accompagne sont devenues une charge très lourde dans le quotidien du directeur d’école, tant sur le plan administratif qu’en terme de responsabilité. »

Des vœux pieux donc, mais de vraies promesses de nouvelles tâches qui viseraient à transformer les directrice.teur.s en "managers", véritables courroies de transmission des directives hiérarchiques.

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Et surtout aucune réponse quant aux écoles à taille humaine, ce qui laisse craindre qu’elles sont vouées à disparaître à moyen terme avec un serpent de mer issu de "l’ancien monde" dont le nom évolue mais pas le concept : EPEP, établissement des savoirs fondamentaux...

Ce projet de loi est pour le SNUipp-FSU une occasion de rappeler partout que l’absence de statut ou d’emploi fonctionnel pour les directrice.teur.s d’écoles est protecteur pour eux. S’ils et elles ont un travail monstre dans la période, contrairement aux chefs d’établissement ou aux IEN ils n’ont pas les mêmes responsabilités ! C’est bien ce qui ennuie le ministère…

Tout cela ne revient pas par hasard en ce moment. Dans la situation actuelle, même si la charge de travail engendrée est monstrueuse et malgré le poids qui pèse sur les épaules des directeur.trice.s, le statut actuel des directions est relativement protecteur en terme de responsabilités. D’autant que le directeur a aujourd’hui la possibilité de s’appuyer sur son conseil des maîtres dans une démarche collective.

Qu’en serait-il demain avec ce projet de loi ? La réponse ne peut qu’inquiéter et l’on ne peut s’empêcher de repenser à notre collègue Christine Renon...

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LREM : l’école En Marche arrière… et retour au 19e siècle !

Un peu d’histoire :

Durant tout le 19e siècle, le directeur d’école a été ’’le’’ maître de l’école communale, et les autres instituteurs ont été ses "adjoints’’. Un premier tournant a eu lieu avec la circulaire du 15 janvier 1908, qui crée officiellement le « conseil des maîtres » dans un but d’ « unité et d’harmonie » tout en continuant à accorder au directeur un pouvoir important dans certains domaines.

« L’Ecole est une, quel que soit le nombre de ses maîtres, et tout enseignement est une collaboration. Il n’est pas de conception plus fausse que celle qui maintiendrait le directeur et ses adjoints dans un isolement mutuel, le premier concentrant en sa personne toute la vie administrative et pédagogique de l’école, les seconds réduits à une obéissance étroite et bornant leur activité à enseigner suivant des méthodes et des principes acceptés sans discussion et sans foi, et imposés d’autorité ».

La circulaire de 1908 met en évidence le pouvoir qui doit rester dans les mains des directeurs. Le texte exclut des questions qui doivent être soumises au Conseil des maîtres tout ce qui relève du champ administratif : les relations entre l’école et les autorités locales, qu’elles soient « municipales ou académiques » ; les rapports avec les familles ; tout ce qui touche à « l’entretien des bâtiments » ; et enfin « l’ordre général de l’établissement ». Restent donc les solutions des questions pédagogiques, qui peuvent être largement discutées mais non imposées au sein du Conseil des maîtres.

On le voit, avec ce projet de loi du 12 mai 2020, plus d’un siècle après, c’est une fois de plus la tentative de grand rétropédalage...

Il y a eu aussi, en 1987, sous le gouvernement Chirac, la création des « maîtres-directeurs » sous l’égide du ministre de l’Education nationale de René Monory. Bien que certaines de ses propositions initiales qui allaient très loin dans le renforcement du pouvoir des directeurs transformés en « maîtres-directeurs » aient été vite abandonnées (à savoir l’évaluation des « adjoints », ainsi que la mention « représentants du service public d’éducation nationale » qui indisposait particulièrement les inspecteurs), le projet de décret a suscité l’opposition déterminée d’une grande majorité d’instituteurs. En particulier en raison de libellés tels que le « maître-directeur assure la continuité du service public en toute circonstance » (jugé attentatoire au droit de grève) ou l’ajout de « il s’assure de leur application » après la mention traditionnelle du « il veille à la diffusion auprès des maîtres de l’école des instructions et programmes officiels ».

Le décret est finalement signé par Jacques Chirac le 2 février 1987. Mais, suite à la mobilisation des enseignants, le nouveau ministre de l’Education nationale Lionel Jospin fait adopter un nouveau décret en 1988 qui abroge et remplace celui de René Monory. Exit les « maîtres-directeurs ». Retour des « directeurs » et de leurs « adjoints ». Réécriture du texte dans le sens de la « collégialité ». Le nouveau texte « prend en compte la tradition de confiance qui a toujours existé entre les directeurs d’école et les instituteurs ».

Extrait du blog de Claude Lelièvre

Cet article a été solidairement proposé par le SNUipp 94. Merci à eux.

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