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Interview de Gérard CHAUVEAU

jeudi 16 mars 2006

Chercheur associé à l’INRP et au laboratoire ERTE Université Paris 5. « les chemins de la lecture »Magnard, 1994. « comment l’enfants devient lecteur » Retz, 1997 « comprendre l’enfants apprenti lecteur » Retz, 2001.

Université d’automne 2005 du SNUipp

GC

Pour vous les difficultés relevant de la combinatoire et du déchiffrage ne constituent qu’une partie de celles rencontrées par les élèves dans l’ap­prentissage de la lecture. N’est-ce pas nier l’importance de ce qui relève des mécanismes de base ? Non, car ces difficultés à utiliser le pre­mier outil de base dans l’apprentissage de la lecture, à savoir le décodage, la capacité à traiter les éléments grapho­phoniques des mots existent bel et bien chez les mauvais lecteurs de 7 ans, sor­tant du CP. Cependant, il se superpose un deuxième type de difficulté d’une tout autre nature, que l’on a, en revan­che, trop souvent tendance à ignorer. Il s’agit de celle qui est liée à la maîtrise du second outil de base, soit le traite­ment sémantique des énoncés écrits, Cela se manifeste, d’une part, par une incapacité à se servir du contexte lin­guistique d’un texte donné et donc, par exemple, à résoudre des exercices du type phrases à trous. Mais aussi, d’autre part, par la difficulté à repérer les grou­pes syntaxico-sémantiques, dits aussi groupes de sens.

Vous parlez de mauvais explorateurs-­questionneurs, à quels mécanismes entrant en jeu dans l’apprentissage de la lecture cette notion renvoie-t-elle ? Cela correspond en effet à un type de difficulté autre que ceux liés aux outils de base : le « stratégique », autrement dit la compréhension de l’activité lecture. Les mauvais lecteurs réduisent souvent celle-ci au seul déchiffrage, ils se polarisent sur le mot. En revanche, la phrase et le texte, la recherche de sens demeurent des aspects qui leur échap­pent.

A quels autres obstacles ces élèves peuvent-ils encore se heurter ’ ? Une difficulté d’ordre culturel. Les mauvais lecteurs ont une vision très étroite du pourquoi lire, et des pratiques culturelles de l’écrit en général. Ils se cantonnent à une conception très utilita­riste de la lecture. Ils oublient par conséquent qu’ elle leur permet d’ ac­quérir des connaissances, qu’elle peut s’exercer par le biais de journaux, ou d’ouvrages documentaires, Le concept de lecture intellectuelle leur est inconnu.

Les difficultés d’apprentissage de la lecture peuvent être mises en évi­dence dès l’entrée au CP. D’où vien­nent-elles ? En effet, 15% d’élèves, dès l’entrée au CP, à l’âge de 6 ans, éprouvent des difficultés d’apprentissage. Il faut dire que l’acquisition de la lecture commence dès 3 ans, si ce n’est avant : à cet âge, nombre d’enfants se font lire des his­toires, sont en contact avec des person­nes lettrées, que ce soit à la maison ou en section maternelle. D’un élève à l’autre, il existe donc des différences énormes dans la quantité et la qualité de ces expériences précoces de l’écrit. Certains arrivent au CP pour terminer leur apprentissage de la lecture. D’autres sont loin de tout ça ... On les repère parce qu’ils ont une connais­sance faible de l’éventail des pratiques possibles de lecture et d’écriture, ainsi que des objets culturels de l’écrit. Ils ont également des difficultés à élaborer un projet personnel de lecteur. Par ail­leurs, ils arrivent au CP en éprouvant des difficultés d’ordre linguistique. Ils n’ont pas encore intégré, notamment, le principe de base de notre système d’écriture, à savoir le principe alphabé­tique.

Quelles conclusions tirer dans les pratiques enseignantes de vos obser­vations ? Concernant les enfants de 6 ans en dif­ficulté, si on leur applique un traitement ordinaire, ils se retrouveront en situa­tion d’échec à la fin du CP. Ils ont donc besoin d’une pédagogie plus riche, renforcée. Il faut intervenir en mettant en place un plus grand nombre d’activités de lecture et de production écrite, en créant de multiples occasions de ren­contrer des écrits, des livres, des per­sonnes lettrées : leur lire des histoires, dialoguer avec eux ... L’aide périsco­laire, comme celle des « Coups de pouce CLE » (Club Lecture et Ecriture) que nous avons institué dans une cen­taine de villes en France, peut se révéler un complément fort utile. Pour aider les 7- 8 ans, il importe de repérer les différents types de difficultés rencontrés afin de travailler dans une perspective de prévention et de remédia­tion, œuvrer dans toutes les directions au lieu de se focali­ser sur le seul apprentissage des mécanismes de base. Premièrement, il est nécessaire de proposer des exercices pour obtenir des bons déchiffreurs. Deuxièmement, il faut entraîner ces enfants à devenir des explorateurs de textes écrits en leur donnant des méthodes de lecture com­préhension, des guides de lecture (poser des questions du style : ça parle de qui ? ça parle de quoi ? ça se passe où ?). Troisièmement, il faut les aider, par le dialogue notamment, à mieux comprendre ce qu’il faut faire pour lire. Dernière piste : les aider à y voir plus clair sur toutes les possibilités qu’offre le savoir lire, à découvrir et mieux comprendre la lecture écrite.

Propos recueillis par Carole Signes

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